Publié le Mardi, 21 Avril 2015, dans la catégorie
Communiqués de Presse
L'Assemblée Nationale a voté mardi dernier en première lecture la loi dite « de modernisation de notre système de santé ».
Le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes a étudié avec une attention particulière la mouture retenue pour l’article portant sur le tiers-payant.
L’article 18 commence par enfoncer des portes ouvertes, en prévoyant la mise en place en 2016 du tiers-payant pour les consultations concernant les affections longue durée (ALD) ou la maternité… ce qui se pratique déjà sans difficulté, puisque ces consultations sont prises en charge à 100% par le régime obligatoire.
La vraie nouveauté (ou la vraie difficulté ?), c’est-à-dire le tiers-payant pour le reste des assurés portant à la fois sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire et sur celle couverte par leur organisme d’assurance maladie complémentaire, est quant à elle repoussée à 2017.
Pour quelle raison ? Tout simplement parce qu’il est impossible de dire aujourd’hui comment cela sera techniquement réalisable. Le SNJMG avait bien identifié cette situation ubuesque lors des réunions du groupe de travail dédié au sujet, le texte de la loi le confirme !
En effet, l’article 18 prévoit que les solutions techniques seront précisées au plus tard le 31 octobre 2015, c’est-à-dire après le vote de la loi… N’est-ce pas ce que l’on appelle mettre la charrue avant les bœufs ? Pourquoi vouloir graver dans le marbre de la loi un dispositif dont les modalités pratiques demeurent dans un flou inquiétant ?
Quels sont les enjeux de ces choix techniques ? Ils concernent d’un côté le déroulé concret de la consultation médicale, d’autre part l’orientation et l’avenir de notre système de protection sociale.
En effet, la relation entre le médecin et le patient est déjà parasitée par de nombreuses tâches administratives. Faut-il alourdir encore ces aspects par la vérification des droits d’assurance maladie obligatoire, des droits d’assurance complémentaire, de la déclaration du médecin traitant, de l’autorisation de prélèvement des franchises sur le compte du patient ? Que va-t-il se passer si ces conditions ne sont pas remplies ? Les difficultés déjà expérimentées par les praticiens pour vérifier et récupérer les tiers-payants ne sont pas de nature à nous rassurer. Ainsi, au lieu de formuler une nouvelle obligation, il eut été plus sage de rechercher d’abord les solutions pratiques permettant de faciliter le recours au tiers-payant chaque fois que cela est utile et pertinent.
Notre protection sociale se distingue actuellement par un panachage peu logique et peu compréhensible entre une assurance maladie publique et des organismes complémentaires. Suivant la volonté du Président de la République, la loi du 14 juin 2013 a imposé la généralisation d’une complémentaire santé pour tous les salariés, achevant ainsi de vider de son sens le concept de ticket modérateur. Qu’est-ce qui empêchera ensuite les pouvoirs publics de déplacer le curseur, de manière discrète grâce au tiers-payant, de la sécurité sociale vers les assurances privées ? L’insistance des complémentaires en faveur d’une gestion du tiers-payant en deux flux, c’est-à-dire indépendamment de l’assurance maladie, est à mettre en parallèle avec leur volonté affichée de devenir non seulement des payeurs mais aussi des décideurs. Il faut se poser la question de la légitimité et de la pertinence de cette privation rampante de notre protection sociale.
S’il ne résout pas vraiment les difficultés pratiques des médecins, le texte voté par les députés a quand même le mérite de sembler résister au lobbying des complémentaires, puisque c’est à l’assurance maladie qu’il confie « la mission générale de pilotage du déploiement et de l’application du tiers payant ».
Reste à voir comment sera interprétée l’expression « flux unique de paiement », là où parler d’un flux unique de facturation et de paiement eut été plus clair. Le SNJMG continue à réclamer pour les professionnels de santé un interlocuteur et un payeur unique, c’est-à-dire l’assurance maladie, à charge pour elle de s’articuler avec les assurances complémentaires tant que perdurera ce système bancal de protection sociale.
Afin de simplifier les choses, le SNJMG préconise la suppression du ticket modérateur dans le champ des soins primaires et du parcours de soins coordonné par le médecin traitant, rendant ainsi le recours aux complémentaires inutile dans ce domaine.
Dans un système de protection sociale qui se veut « universel », quel est le sens de la vérification des droits ? Des milliers de personnes qui auraient droit à la CMU l’ignorent ou renoncent devant la complexité des démarches. Il faut passer un cap et simplifier radicalement l’ouverture des droits. Des économies importantes sont à attendre d’une fusion des différents régimes d’assurance maladie, inadaptés au monde du travail actuel.
Le SNJMG s’insurge contre l’imposture sociale du gouvernement. Bien loin de tenir la promesse du candidat Hollande de supprimer les franchises médicales, la « gauche » prévoit dans cet article 18 leur récupération sur les comptes bancaires des français…
A l’image du reste de la loi, cet article 18 brille donc par son manque d’ambition et de cohérence. Il est consternant de constater que les grands enjeux de la survie de notre système de protection sociale solidaire, ainsi que celle d’une médecine de proximité, n’ont pas été compris par les députés.
Continuant à dénoncer les insuffisances préoccupantes de cette loi, le SNJMG a d’ores et déjà pris rendez-vous avec plusieurs sénateurs afin de peser sur la suite du processus parlementaire.
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