Pierre-Jean Lancry, directeur santé de la MSA : "Cela ne sert à rien d'installer un médecin dans un coin isolé avec peu de population"

Extrait d'un article du monde

L
a première étape des états généraux de l'organisation des soins, décidée par le ministère de la santé, a été engagée à Rennes, vendredi 25 janvier, avant une synthèse nationale le 8 février, en vue d'un projet de loi sur l'accès aux soins. Pierre-Jean Lancry, directeur santé de la Mutualité sociale agricole (MSA) et vice-président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie, explique les enjeux de ces rencontres.

 

Que peut-on attendre des états généraux sur l'organisation des soins, censés répondre au problème du manque de médecins dans certaines régions ?

La France n'a jamais compté autant de médecins, pas loin de 213 000 généralistes et spécialistes. Le problème n'est pas dans leur nombre mais dans leur mauvaise répartition. Certains territoires, zones rurales ou périurbaines, sont sous-dotées, voire désertifiées, quand d'autres sont surdotées. La question posée est donc : où doivent aller les médecins ? Mais aussi, quels soins doivent-ils dispenser ? Il faudra définir dans la loi ce qu'on entend par soins de premier recours, sur lesquels il n'y a pas de consensus. Pour nous, à la MSA, il s'agit de soins de proximité, exercés par les médecins généralistes et d'autres professionnels de santé, comme les infirmières, qui offrent une approche personnalisée et une continuité dans la prise en charge.

Le principe de libre installation des médecins doit-il être revu ?

La liberté d'installation a conduit à la répartition démographique actuelle. Mais je ne suis pas certain que cela marcherait mieux si on revenait sur ce principe. Le jour où vous imposerez aux médecins leur lieu d'installation, s'ils ne le veulent pas, ils abandonneront l'exercice libéral pour des emplois salariés dans l'administration, l'industrie pharmaceutique, ou exerceront comme remplaçant ailleurs, dans des zones surdotées par exemple.

Faut-il des mesures contraignantes ?

Ce n'est pas la bonne manière de poser le problème. Profitons de la crise pour faire preuve d'innovation. Il n'y a pas une, mais plusieurs solutions. Le travail isolé en médecine est une aberration. Il faut encourager le travail en groupe et pluridisciplinaire, par exemple, dans le cadre de maisons de santé, avec des transferts de compétences entre médecins et infirmières. Il faut aussi coordonner ces soins avec les hôpitaux locaux, développer des réseaux de prise en charge des patients, comme les réseaux gérontologiques.

Il faut aussi redonner le goût de la médecine générale aux étudiants, en leur faisant découvrir dès le début de leurs études l'intérêt de ces nouveaux modes d'exercice médical.

Doit-on planifier la mise en place de ces maisons de santé dans le cadre d'une nouvelle carte sanitaire ?

Non, car les solutions sont à adapter à chaque situation locale. Cela ne sert à rien d'installer un médecin dans un coin isolé avec peu de population, car il sera insatisfait de ses conditions d'exercice. Dans un tel cas, tentons plutôt la solution du transport des patients vers des zones où l'offre médicale est plus dense ou, pourquoi pas, des cabinets ambulants se rendant dans ces zones très isolées.

Propos recueillis par Michel Delberghe et Cécile Prieur