Coronavirus : l’abus d’état d’urgence nuit gravement à la démocratie

 

L’Assemblée Nationale a voté, mercredi 17 juin, en première lecture, le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire le 10 juillet, avec une période transitoire jusqu’à l’automne (tout en prolongeant l’état d’urgence sanitaire en Guyane et à Mayotte jusqu’au 30 octobre inclus, ndlr).

Ce projet de loi permet notamment des restrictions sur la circulation des personnes, l’accueil du public dans certains établissements ou les rassemblements, et ce jusqu’au 30 octobre (et non jusqu’au 10 novembre comme le souhaitait le gouvernement, ndlr).

Le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) est déjà intervenu à plusieurs reprises pour rappeler que la lutte contre la pandémie ne justifiait pas toutes les atteintes aux droits fondamentaux. Il s’inquiète de ce projet de loi qui, sous prétexte de créer une période intermédiaire permettant d’actionner des mesures « très localisées » en cas de résurgence du virus, maintient toujours plus notre démocratie en mode « dégradé ».

Concernant les aspects directement sanitaires du projet de loi, il suffit de prendre pour exemple la gestion des systèmes d’information dont le Parlement avait sérieusement limitée les aspects les plus attentatoires aux droits fondamentaux du projet initial du gouvernement. Alors que, fin Avril 2020, le gouvernement avait plaidé sa bonne foi pour une utilisation très limitée des données ainsi collectées, l’actuel projet de loi lui offrait la possibilité de prolonger leur durée de conservation. Cette facilité a obligé l’Ordre des médecins, pourtant bien arrangeant avec les différentes décisions du gouvernement pendant cet état d’urgence sanitaire, à manifester sa « vive inquiétude » (difficile de rester muet pour l’Ordre des médecins qui s’était déjà décrédibilisé à plusieurs reprises depuis la publication du rapport de la Cour des Comptes en décembre 2019, ndlr).

Alors qu’il aura fallu un référé en Conseil d’Etat pour faire respecter la liberté de manifestation et au moment où la presse révèle que l’application stopcovid récolte plus de données que ce qui avait été annoncé et où le Conseil Constitutionnel vient de déclarer contraire à la Constitution la quasi-intégralité de la loi dite Avia (votée en plein état d’urgence sanitaire) pour cause d’incompatibilité avec la liberté d’expression, le gouvernement s’entête dans une gestion prioritairement sécuritaire de la pandémie CoViD-19, écornant les principes de la République…

Pour le SNJMG, sous réserve de la poursuite de l’amélioration de la situation sanitaire, il faut au plus vite revenir à un fonctionnement démocratique plein et entier car toute instauration même transitoire d’un état d’exception fait courir un risque, surtout dans un pays qui s’habitue très facilement à des limitations de libertés qu’elles soient partielles ou présentées comme transitoires (*).

 

(*) : Informations annexes :

"Je vous rappelle que lorsque Emmanuel Macron, président de la République, est sorti de l'état d'urgence sécuritaire le 1er novembre 2017, il a fait voter la veille, le 30 octobre, une loi qui, là aussi, mettait dans le droit commun l'essentiel des pouvoirs que l'on pouvait exercer pendant l'état d'urgence sécuritaire. Et ceci jusqu'en décembre 2020" (Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).

L’observatoire des libertés confinées a comptabilisé 43 restrictions apportées aux libertés et droits fondamentaux pendant l’épidémie de Covid-19 en France : A ce jour, 6 mesures ont été levées, 4 mesures partiellement levées et 33 mesures restent pleinement en vigueur.