Une 4ème année, en particulier dans les zones dites “sous-denses”, n'est pas souhaitable.

Une 4ème année, en particulier dans les zones dites “sous-denses”, n'est pas souhaitable.

 

I. Cet allongement du cursus nous paraît-il souhaitable pour les internes?

 

Non, cette mesure ne nous paraît pas souhaitable pour plusieurs raisons.

 

  1. Une promesse d’une meilleure formation qui ne nous convainc pas

 

Nous entendons souvent l’argument que cela améliorerait la formation, parfois sans préciser en quoi, ou en avançant la nécessité d’un temps d’apprentissage spécifique à la gestion du cabinet. Or, il ne faut probablement pas un an d’apprentissage pour cela. De plus, stage signifie apprentissage et donc encadrement. Or, la qualité de la formation donnée dans les stages ambulatoires est très difficile à quantifier et dépend du maître de stage. Sur ce critère, on ne peut dire si cela améliorera la formation ou pas.

De plus, selon les témoignages d'internes, l'expérience montre qu'une bonne partie des internes sont laissés seuls, en autonomie totale, non encadrés, voire même, sont poussés à voir un nombre de patient-es trop important pour un suivi et une formation correcte.

Par ailleurs, il sera probablement nécessaire, au vu du peu de terrains de stage, que le choix de stage se fasse sur la France entière. Les internes vont alors être, pour beaucoup, coupés de leur faculté de rattachement, donc des cours prodigués, ce qui signifie une perte dans la qualité de la formation.

 

  1. Quels impacts sur les internes?

 

Pour ce qui est des projets de vie, les internes arrivant en fin de cursus ont autour de 30 ans. Un âge où les questions du lieu d’habitation au long terme, voire de fonder une famille ont déjà commencé à trouver des réponses. Si, comme nous le craignons, le manque de maîtres de stages pousse à ce que les internes de 4ème année soient répartis en France entière, cela va créer une cassure dans ces projets.

Il y a donc un grand risque que ce soit une année loin de leur famille, modifiant les projets en vie, mais surtout ayant un impact majeur sur leur santé mentale. Or tout au long des études en médecine, la santé mentale des étudiants est désastreuse. Une enquête de 2021 sur la santé mentale des étudiants en médecine montrait que 75% des étudiant-es étaient atteints de troubles anxieux, 39% de symptômes dépressifs, 25% d'épisodes dépressifs caractérisés. Des chiffres en augmentation par rapport à 2017.

Les impacts sur les internes nous paraissent donc négatifs!

 

  1. Quid de l’attractivité du cursus?

 

La médecine générale est une spécialité qui a peiné à recruter autant qu’elle pouvait, puisque jusqu’à 2019 il n’y avait pas autant de recrutements que de places disponibles.

Et ce, probablement plus du fait d’un désintérêt de l'hôpital (renforcé par l’arrivée du COVID-19), ainsi que le fait d’avoir un internat plus court par rapport aux autres spécialités, plutôt que d’une amélioration de la formation en médecine générale elle-même.

À long terme, remplir toutes les places du cursus est primordial mais cela ne sera possible qu’en gardant une attractivité en comparaison des autres formations.

 

  1. Des étudiant-es ayant déjà entendu des promesses

 

Si cette 4ème année se concrétise, les premières promotions à en être atteintes seront aussi les promotions s’étant vu promettre des réformes sensées améliorer l’apprentissage, comme la R2C qui a promis un livre de cours unique et non contradictoire et un système de classification dans l’importance des connaissances. Livre qui ne verra jamais le jour, maintenant des contradictions dans nos cours, et des classifications qui se contredisent elles-mêmes et souvent dans le même livre de cours.

Ces étudiant-es ne verront cette réforme que comme quelque chose de similaire : des promesses qui n’ont aucune chance d’être tenues. Des étudiant-es qui vont se détourner de la filière de médecine générale.

 

  1. Les internes ne sont pas des variables d’ajustement

 

Nous voyons cette mesure, comme de nombreux syndicats d’étudiant-es, comme un moyen d’utiliser une main d'œuvre pas chère plus longtemps, d’utiliser les internes comme des travailleur-ses au service de l'État en oubliant ce qu’iels sont avant tout : des étudiant-es.

Si la volonté est réellement de mieux former les étudiant-es, il faut avant de lancer une proposition de loi montrer en quoi une 4ème année serait une plus value à la formation. Si un jour, il nous est montré un projet construit et cohérent de 4ème année, la discussion sera ouverte. En l’état, nous voyons cette 4ème année comme une manœuvre politique n’ayant pas pris le temps d’une réflexion suffisante, ni pris le temps de la construction avec les principaux intéressés.

 

 

II. Une 4ème année se réalisant en “zone sous dense

 

 

  1. Peut-elle améliorer l’offre de soin?

 

Elle ne le peut pas, et ce, sur plusieurs points. Tout d’abord, en ce qui concerne le suivi des patient-es.

En effet, l’idée étant de permettre à de nouveaux patient-es d’avoir accès à un médecin, et en particulier un médecin traitant, on pourrait observer une augmentation de la patientèle du maître de stage. Or, une grande partie de ses nouveaux patient-es ne seront probablement pas vus par lui-même mais par l’interne en “autonomie”. Ainsi, ces patients connus uniquement des internes devront rencontrer tous les 6 mois à un an un nouveau soignant, ce qui signifie devoir revenir sur son historique, recréer encore et encore une alliance thérapeutique, et donc, entraînant une rupture de suivi, sans que le maître de stage n’ait une vue d’ensemble. Nous risquons donc une rupture dans la continuité et la cohérence des soins. D’autant plus que des internes de 4ème année risquent d’être vus comme totalement autonomes, à la différence des internes 1ère et 2ème année.

Deuxièmement, il est nécessaire de trouver suffisamment de terrains de stage, puis de les pérenniser. En effet, si pour une quelconque raison le stage n’est plus proposé (départ à la retraite du maître, volonté de ne plus proposer son cabinet comme terrain de stage, autre raison annulant la convention avec la faculté…), nous nous retrouverions avec la patientèle excédentaire, ou la totalité dans le cas du départ à la retraite, qui serait de nouveau sans médecin.

S’il est possible de travailler sur la qualité du stage, nous ne pouvons rien faire face au départ à la retraite.

Et nous craignons qu’à terme, ces stages supplémentaires n’aient fait oublier la vraie raison du manque de médecins dans les zones sous-dotées, à savoir le manque d’attractivité des territoires, ce qui empêche ainsi d’y travailler pour y remédier.

 

  1. Les conditions pour la réalisation de ces stages ne sont pas remplies.

 

L'accueil des étudiant-es est quelque chose qui se réfléchit à l’avance pour les maîtres de stages, en particulier pour les internes de fin de cursus qui ont de besoin de matériel, dont notamment un cabinet où les internes seraient seuls pendant les consultations pour être réellement autonomes.

S’il faut augmenter les effectifs de maîtres de stages, tous-tes les praticien-nes ne sont pas capables aujourd’hui de fournir les besoins matériels suffisants pour accueillir les internes.

Il est illusoire de penser que l’on peut à la fois augmenter le nombre de terrains de stages pour répondre à l'arrivée des futures promotions avec un numérus clausus augmenté puis celles sans numérus clausus, et trouver encore d’autres terrains de stages pour une nouvelle année d’internat. En faisant cela, nous mettons à mal la formation des internes sur des années.

De plus, proposer en dernière année de s'intéresser aux zones en demandes de soignant-es est beaucoup trop tard : les projets de vie sont déjà très avancés à ce moment des études.

Il faut proposer des stages de qualité dès le 2ème cycle afin de créer un intérêt pour les étudiant-es plus tôt. Et ce, en prenant en compte les difficultés d’accès à ces zones.

 

  1. Quelles conditions d'accueil des internes?

 

Les facultés ont déjà des difficultés à trouver des terrains de stages pour les 2ème et 3ème cycles de médecine générale, puisqu’être maître de stage se fait sur la base du volontariat.

Pour renforcer les capacités d'accueil dans ces zones, il faut inciter les cabinets qui en sont capables à accueillir les étudiant-es. Et ce, en mobilisant les facultés qui doivent rechercher les maîtres de stages puis leur proposer un cadre pour les convaincre de rester. Mais aussi promouvoir à l’échelle des territoires (commune, département, région…) l'accueil des étudiant-es de 3ème et de 2ème cycle aux médecins, et particulièrement dans des zones sous-dotées. Ce d’autant que le nombre d’étudiant-es en médecine a, et va continuer d’augmenter.

Si une partie des nouveaux stages proposés sont dans des zones sous denses en soignant-es, non seulement ce ne sera pas de la coercition, mais en plus cela donnerait un contact aux étudiant-es avec certains territoires. Or il a été montré que le fait d’avoir exercé dans un territoire en tant qu’étudiant ou remplaçant est un facteur qui augmente les chances de s’y installer. Mais il faut cependant bien noter que cette augmentation a été étudiée avec des personnes choisissant d’aller dans ces territoires, et qu’un système où les étudiant-es se sentiraient forcées risque de créer de la réactance qui peut éloigner les nouveaux médecins plutôt que de les attirer.

Et comme dit plus haut, il va falloir d’une part trouver de nouveaux stages pour ces internes, mais il en faudra également pour pallier  l’augmentation du nombre d’étudiant-es due à la suppression du numérus clausus.

 

Conclusion

 

Nous sommes contre cette 4ème année dont l’idée est lancée sans la réflexion nécessaire. Qui se présente comme une amélioration de la formation sans justifier en quoi. Qui se pare de cette amélioration de la formation pour utiliser des étudiant-es comme des variables d’ajustements. Qui risque de fragiliser la filière de médecine générale. Qui risque de faire du mal aux internes. Et qui n’apporte même pas une offre de soin décente aux patient-es.

S’il est en effet nécessaire de proposer à toustes les patient-es des soins de qualité, ce n’est pas en imposant une année en “zones sous-dotées” que la solution sera trouvée. Il faut que des contacts non coercitifs soient créés entre de jeunes étudiant-es et ces territoires pour que l’envie de s’y installer soit pensée au plus tôt.

 

Pour rappel, vous pouvez retrouver nos propositions ici http://www.snjmg.org/blog/post/nos-10-mesures/1881 et concernant plus particulièrement les "déserts médicaux" http://www.snjmg.org/blog/post/deserts-medicaux-et-acces-aux-soins/1891