Appel de 140 médecins : "Les brutalités contre les migrants doivent cesser"

 

"La violence avec laquelle les 'forces de l'ordre' ont démantelé le campement de migrants installé place de la République à Paris, dans la soirée du lundi 23 novembre, a des relents nauséabonds. Pour mémoire, une semaine auparavant, un énième campement de migrants avait été démantelé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ce campement de tentes abritait plus de 2.000 personnes, hommes, femmes et enfants, qui vivaient là dans des conditions de précarité et d'insalubrité scandaleuses. Ce démantèlement s'était fait dans des conditions déjà violentes, incluant le gazage à la grenade lacrymogène de familles et d'enfants. Des centaines de tentes, de couvertures, etc., avaient été confisquées par la police pour éviter l'installation de nouveaux camps.

La préfecture avait annoncé le relogement de ces personnes mais en réalité des centaines de migrants, majoritairement des hommes, étaient restés sans solution de relogement et avaient erré pendant une semaine dans Paris et la proche banlieue, systématiquement pourchassés par les forces de l'ordre pour les empêcher de reconstituer un camp, ou même de s'installer pour dormir. Les conditions sanitaires imposées à ces personnes relevaient d'une maltraitance d'Etat organisée.

C'est devant ces conditions scandaleuses imposées à des centaines de personnes que les associations humanitaires avaient décidé d'installer le 23 novembre un campement illégal place de la République, pour obliger l'Etat à prendre ses responsabilités.

Ce qui s'est passé cette soirée-là et dans les jours qui l'ont précédée est indigne, immoral, inhumain. Les forces de l'ordre sont intervenues brutalement, n'hésitant pas à bousculer, jeter au sol, frapper, asperger de gaz lacrymogène, faire des croche-pieds à des personnes qui s'enfuyaient. Le tout avec un évident sentiment d'impunité, certains policiers encourageant même les membres des associations humanitaires à filmer leur intervention. La dispersion du rassemblement par des rangées de policiers équipés de protections, casqués, cagoulés, battant leurs boucliers de leurs matraques, avançant comme une noire légion, a été le point d'orgue de cette démonstration de force.

Ces violences soulèvent plusieurs questions. Qu'ont fait de grave ces migrants et les associations qui les soutiennent pour mériter un tel traitement? Qui a donné les ordres permettant aux forces de l'ordre d'adopter ces comportements? Comment les membres de celles-ci sont-ils formés, pour que certains puissent agir ainsi sans crainte d'être jugés et punis? Comment peut-on tolérer, voire encourager, ces dérives dans une des plus grandes démocraties modernes ?

Nous, médecins, avons juré de soigner 'toutes les personnes sans aucune discrimination et d'intervenir pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.

Nous considérons qu'il est de notre devoir de dénoncer publiquement les conditions de survie qui sont désormais imposées dans notre pays à des personnes en situation d'extrême vulnérabilité.

Nous demandons au gouvernement de faire cesser immédiatement ces menaces, ces brutalités, ces atteintes aux droits de l'homme et d'assurer à ces personnes des conditions de vie décentes."